L’article ci-dessous est paru en mai 2021 dans le journal Réveil (Presse régionale protestante) dans le cadre d’un dossier sur la persécution des chrétiens. Vous pouvez retrouver les différents articles en ligne en cliquant ici.

Depuis dix ans les médias mettent en avant les situations difficiles vécues par les « Chrétiens d’Orient ». L’image qui parfois en ressort est celle d’une persécution anti-chrétienne qui serait menée sans relâche par un islam indistinctement intolérant.

La réalité est plus complexe. Le terme de « chrétiens d’Orient » est déjà une simplification puisqu’il recouvre des Eglises aux réalités bien différentes. Le statut juridique des chrétiens, citoyens de plein droit ou minorité plus ou moins discriminée, varie également selon les Etats. Enfin, les nombreuses crises qui affectent la région (guerres, terrorismes, révolutions, crises économiques…) sont liées à des rapports de force où la dimension religieuse n’est qu’un facteur parmi de nombreux autres.

Ainsi les chrétiens, presque toujours désarmés, sont le plus souvent des victimes collatérales des situations d’insécurité qui affectent tout autant leurs concitoyens musulmans. Cela dit, il est également vrai que les chrétiens font partie des ciblées privilégiées de tel ou tel groupe armé, dans l’intention de faire passer un message à l’Etat qui les protège ou à « l’Occident supposé chrétien ». Il y a aussi des situations opportunistes où, en situation de guerre, des milices « encouragent » les chrétiens à partir afin de récupérer leurs biens. Il faut aussi souligner que les interventions occidentales tiennent rarement compte de la situation des chrétiens. L’invasion désastreuse de l’Irak en 2003 a ainsi déclenché une guerre civile qui a massivement contraint les chrétiens à l’exil.

Il est donc important de définir ce que l’on place sous le terme de persécution et de tenir compte de la complexité des contextes.

En Orient le terme de persécution est d’abord à associer aux exactions des groupes djihadistes qui visent à exterminer, convertir ou soumettre les minorités religieuses à une législation islamique fondamentaliste. Il y a clairement là une idéologie sectaire, comme celle de DAECH, dans laquelle aucune altérité n’a sa place, pas même musulmane.

D’une autre manière le terme de persécution peut être associé aux théocraties qui restreignent fortement la liberté religieuse et punissent ceux qui témoignent de leur foi chrétienne. En Iran, des minorités chrétiennes comme les Arméniens sont reconnues dans un cadre ethnique où elles peuvent vivre le culte dans leur idiome mais sans avoir le droit d’utiliser le persan et de s’adresser ainsi aux musulmans. Seules quelques anciennes paroisses protestantes, très surveillées, sont tolérées dans ces limites mais les nouvelles églises évangéliques sont interdites et les convertis contraints à la clandestinité. En Arabie Saoudite la pratique communautaire du christianisme est impossible. Dans ces deux pays les autres minorités, chiites ou sunnites selon les cas, sont aussi soumises à des restrictions et à un contrôle politique.

A l’inverse, des Etats policiers comme le régime syrien et l’Etat égyptien, permettent une liberté de culte importante même si elle est encadrée. La situation des chrétiens au Moyen-Orient est donc diverse et doit être pensée en relation avec les questions de citoyenneté et de respect des droits humains.

Les Eglises travaillent à ces questions : elles se positionnent comme des acteurs engagés recherchant la justice et la paix et ne souhaitent pas être considérées uniquement comme des victimes même si elles ont clairement besoin de notre soutien.

Mathieu Busch