Un article qui sera également publié dans le LEVANT 2025.

Début juillet, un groupe de jeunes adultes venus d’horizons divers se sont retrouvés dans les Vosges pour parler d’espoir.

Organisée par ABC-Climont[1], cette rencontre avait pour but de créer un espace d’échange sur un sujet qui nous rassemble tous : comment conserver de l’espoir quand le monde tremble sur ses fondements ? Difficultés démocratiques, changement climatique et intelligence artificielle ont été les trois thèmes qui ont rythmé les débats entre les participants. Le fil rouge de nos discussions était non seulement l’espoir mais aussi l’espérance. Ce terme intraduisible, spirituel, nous a permis de poser la question de l’apport des religions et des convictions personnelles dans les processus démocratiques, la protection de l’environnement et le développement du monde numérique.

Le groupe a rassemblé 14 personnes de plusieurs nationalités : française, libanaise, britannique, palestinienne, néerlandaise, afghane et suisse. Les confessions des participants étaient tout aussi diverses : chrétiens, juifs, musulmans et athées ont pu paisiblement échanger.

La semaine a débuté par une intervention autour de la distinction entre espoir et espérance chez le théologien protestant Jacques Ellul. Une fois les bases posées, nous avons pu entrer dans le vif du sujet en parlant de l’apport des religions dans les démocraties, en Europe comme au Moyen-Orient, avec Lilia Bensedrine Thabet, co-présidente du comité pour le Dialogue interreligieux et interconvictionnel au sein du Conseil de l’Europe et Mathieu Busch, directeur de l’Action Chrétienne en Orient.

Le groupe s’est ensuite rendu à Strasbourg pour une journée de visites multiconfessionnelles sur le thème de l’écologie : nous avons été accueillis par la paroisse protestante de Graffenstaden, la Grande Mosquée de Strasbourg et la communauté juive libérale du centre de Strasbourg. Deux représentants de l’association Greenfaith nous ont expliqué comment leur foi nourrissait leur militantisme face au dérèglement climatique.

Après cette journée chargée, nous avons abordé les thèmes de la technologie et de l’intelligence artificielle. Pour cela, nous avons échangé par visio-conférence avec Louise Morel, députée du Bas-Rhin, puis nous avons débattu avec Cédric Bischetti et Adrien Delaunay, deux entrepreneurs spécialistes de l’intelligence artificielle. La journée s’est ensuite terminée par une visite du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, un lieu où la technologie a justement été employée pour déshumaniser et persécuter.

La semaine s’est ensuite terminée sur une réflexion autour des ressources d’espoir pour agir, chacun à notre échelle, pour un monde meilleur, pour travailler à la paix et résister à tous les mouvements qui cherchent à déshumaniser des personnes.

Et puis, en ce dernier jour, nous avons appris l’incroyable nouvelle que l’une des réfugiées afghanes de notre groupe avait enfin été acceptée à l’Ecole européenne de Strasbourg, après un premier refus en raison de son âge. Elle avait quitté l’Afghanistan avec ses parents et ses deux sœurs à cause de l’arrivée au pouvoir des Talibans, puis a rejoint la France après un long périple. Son histoire illustre magnifiquement ce qui arrive quand des personnes se mettent à espérer ensemble et agissent : des situations sans issue basculent !

Il nous était impossible de sortir de cette semaine sans un espoir renouvelé. Car une chose est claire : notre humanité nous rassemble bien au-delà de nos différences !

Ulysse Gounelle


[1] L’association ABC-Climont a comme objectif de s’exercer à l’art de la rencontre pour cultiver un « croire » qui fait du bien. Elle est soutenue par l’UEPAL par la mise à disposition à mi-temps de la pasteure Alexandra Breukink comme chargée de mission. https://abc-climont.eu/

Grâce à l’ACO deux jeunes libanais et une jeune palestinienne ont pu participer à cette rencontre internationale de jeunes adultes. Découvrez leurs témoignages :

a) Areni, étudiante en biologie – 23 ans, Libanaise de culture arménienne et de confession protestante

Au début, quand j’ai entendu parler d’un camp organisé au Climont, j’ai pensé que ce serait l’occasion idéale de m’éloigner de tout ce qui se passait au Liban. À ma grande surprise, quand je suis arrivée à destination, j’ai rencontré des personnes issues de milieux et de religions très divers.

En tant que chrétiens arméniens, nous avons tendance à être focalisés sur notre propre peuple et son histoire douloureuse.  Mais le temps d’échanges culturels passé avec ces personnes adorables au Climont n’aurait pu être remplacé par aucun autre camp. J’ai pu découvrir différentes cultures, entendre les voix opprimées d’Afghanistan ou de Palestine et partager les similitudes que nous avons tous en matière de religion.

Grâce aux visites que nous avons effectuées dans différents lieux religieux et aux travaux de groupe autour de thématique comme l’IA, l’écologie et l’espoir, ces personnes sont devenues une famille et non plus des personnes définies par leur religion.


Nous avons visité un camp de concentration nazi, avec les personnes de notre groupe d’origine juive et palestinienne. Au Liban, cela aurait été impossible. Les voir partager paisiblement leur histoire m’a permis de voir mes problèmes quotidiens sous un autre angle. J’ai passé beaucoup de temps à poser des questions sans fin à mes amis musulmans, voulant tout savoir. Au fil du temps, j’ai découvert une perspective différente sur eux. C’était quelque chose que je n’avais jamais réussi à faire après avoir vécu des années parmi eux au Liban.

L’objectif de cette Summerschool était de trouver l’espoir, et je pense que chacun en avait sa propre vision. Cela reflétait très bien nos origines respectives. Pour les Européens, c’était davantage l’espoir d’un avenir écologique meilleur, pour les Palestiniens, d’avoir un foyer sûr, pour les Libanais, d’assurer la stabilité fondamentale du pays, pour les Afghanes de pouvoir étudier et travailler. C’était inspirant d’entendre autant d’opinions différentes sur un même sujet, coexistant les unes avec les autres, mais toutes valables.

Mon plus grand espoir et ce que je retiens de ces 5 jours, c’est de pouvoir avoir une communauté aussi accueillante que celle que j’ai rencontrée au Climont et prête à partager les origines de chacun.

b) Rafa, étudiante en soins infirmiers – 19 ans, Palestinienne de confession musulmane

Participer à l’université d’été ABC Climont « Standing Firm as the World Shakes » (Rester ferme alors que le monde tremble) a été pour moi plus qu’une simple expérience éducative, c’était une expérience profondément humaine.

Originaire de Palestine, je porte en moi des histoires de lutte, de résilience et de résistance quotidienne. Je ne suis pas venue avec des solutions, mais avec une réalité vécue. Et pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie vraiment écoutée.

Ce qui m’a le plus touchée, c’est que mon histoire a été accueillie non pas comme une nouvelle, mais comme une vérité personnelle, émotionnelle et réelle. J’ai pu partager ce que signifie vivre sous occupation, comment nous continuons à trouver de l’espoir, comment de petits actes de dignité deviennent de la résistance. J’ai constaté que de nombreux participants n’avaient jamais rencontré de Palestinien auparavant. À la fin de la semaine, ils ne se contentaient pas d’apprendre des choses sur la Palestine, ils se sentaient concernés. Ils posaient des questions plus profondes. Cela signifiait tout pour moi. J’ai également eu l’occasion d’entendre d’autres personnes, de différents pays et de différentes croyances, qui sont confrontées à leurs propres formes de bouleversements. Cela m’a montré que même si les luttes sont différentes, le désir d’espoir nous relie.

L’un des moments les plus forts a été celui où nous avons parlé de la démocratie et de la foi. J’ai expliqué qu’en Palestine, malgré tout, les gens continuent de rêver de justice et de liberté, et que notre foi joue un rôle important dans la préservation de cet espoir. J’ai trouvé très significatif de pouvoir dire que ma foi en l’islam renforce ma foi en la justice, la participation et la dignité, qui sont toutes au cœur de la démocratie, et que pour moi, l’islam n’est pas en contradiction avec la démocratie, mais qu’il en est l’une des sources.

Comme mon père le dit toujours : « Nous, les Palestiniens, n’avons pas le luxe de désespérer, alors l’espoir devient un acte de résistance. » Cette phrase m’a accompagnée tout au long de la semaine et a pris un nouveau sens à mesure que j’écoutais, partageais et tissais des liens avec les autres.

Cette expérience ne consistait pas seulement à représenter la Palestine — elle m’a rappelé que partager notre vérité, se montrer, parler et créer des liens est important, et que la présence elle-même peut être un acte de résistance. Elle m’a donné un sens plus profond de la responsabilité et m’a également réconfortée : même lorsque le monde tremble, nous ne sommes pas seuls.

c) Jad, étudiant en gestion informatique – 19 ans, Libanais de confession protestante

Je m’appelle Jad, j’ai 19 ans, je viens du Liban et je suis l’un des participants à l’université d’été.

Il est difficile d’exprimer mon expérience en quelques mots, mais vraiment, le temps que j’ai passé là-bas a été très spécial et unique. Vivre avec des personnes de religions et d’origines différentes pendant près d’une semaine a été une expérience nouvelle et qui m’a ouvert les yeux. Au début, je pensais qu’il serait difficile de nouer des liens avec des personnes d’horizons aussi diverses, mais tout au long de la semaine, j’ai découvert que nous partagions de nombreuses préoccupations, défis ainsi que d’espoirs pour l’avenir.

L’un de mes thèmes préférés parmi ceux que nous avons explorés était l’idée d’espoir. Venant du Liban, où nous sommes confrontés à une grave crise économique ainsi qu’à des conflits et à une instabilité persistante, l’espoir est quelque chose dont notre peuple a profondément besoin. Ce thème a vraiment résonné en moi.

J’ai également été particulièrement intéressé par nos discussions sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la société. Étant donné que je suis étudiant en gestion informatique à l’université, cela a été très enrichissant pour moi d’entendre différents points de vue et de partager le mien. Ce sujet n’est pas seulement pertinent à l’échelle mondiale, mais il est également important pour mon avenir personnel.

L’une des activités les plus mémorables a été la visite d’une église, d’une mosquée et d’une synagogue en une seule journée. En tant que chrétien, j’ai trouvé très enrichissant de découvrir d’autres religions, leurs croyances et leurs traditions. L’accueil chaleureux que nous avons reçu de notre arrivée jusqu’à notre départ nous a fait chaud au cœur.

Nous nous sommes vraiment sentis chez nous. Tout le monde s’entraidait, ce qui a créé des liens solides et un véritable sentiment de communauté, presque comme une famille. Ce fut une expérience merveilleuse que je n’oublierai jamais et que je garderai toujours en moi.