Une méditation rédigée par Rima Nasrallah, pasteure et professeure de théologie (NEST, Beyrouth).

Cette méditation paraîtra dans le LEVANT 2025, la revue de l’ACO, lors de la prochaine édition à l’automne 2025. Si vous la partagez, merci de citer son auteure ainsi que le LEVANT.

Ils disent : « Paix, paix… » mais il n’y a pas de paix !

Notre héritage est détourné au profit d’autres et nos maisons profitent à des inconnus
Nos pères ne sont plus là, nous voilà orphelins et nos mères veuves.
Notre eau, nous devons la payer, et nous rentrons notre bois contre de l’argent.

Nous cherchons notre pain au péril de notre vie, affrontant des bandes armées du désert.
Notre peau est brûlée comme au four à cause de la faim qui nous tenaille.

Lamentations 5, 2-4 et 9-10

Osons-nous parler de paix alors que nous voyons chaque jour des dizaines d’enfants se faire tuer sous nos yeux ? Des familles chassées de leurs maisons, des jeunes gens abattus alors qu’ils attendaient de la nourriture ?

Nous voulons détourner le regard, passer à des images plus réjouissantes. Ces scènes sont devenues trop difficiles à supporter et nous nous sentons impuissants face à une situation qui ne cesse de s’assombrir. Notre esprit ne peut concevoir comment des êtres humains peuvent infliger cela à d’autres.

Et pourtant, le livre des Lamentations nous rappelle que ce n’est pas nouveau. Des scènes similaires, avec des armes bien sûr différentes, se sont déroulées sur ce même sol et se sont répétées à maintes reprises entre différents groupes de personnes. La même douleur et les mêmes actes atroces.

Et même si nous nous sentons poussés à agir et à rêver de solutions, il est également important de reconnaître la souffrance. Nous devons pleurer avec l’enfant dont la famille n’est plus, trembler avec l’adolescent qui se soustrait aux balles en essayant d’obtenir un maigre morceau de pain, et broyer du noir avec le vieil homme qui voit les fruits de sa vie s’effondrer. Nous devons voir la douleur et reconnaître la perte.

Car lorsque nous passons trop rapidement de la critique de la guerre à la discussion sur la paix, nous risquons de transformer ces expériences en abstractions et d’ignorer la vie piétinée des individus. Nous tombons dans le piège de compter les chiffres et d’oublier les noms.

Si nous avons appris quelque chose au Moyen-Orient, c’est que la guerre n’est pas seulement une stratégie conçue par des dirigeants, ni une bataille menée avec des drones et des roquettes pendant quelques mois ou quelques années, mais qu’elle s’inscrit dans les corps et endommage les âmes pour les générations à venir. Et finalement, elle se reproduit…

C’est pourquoi nous élevons aujourd’hui notre voix devant Dieu pour nous lamenter. Nous pleurons et nous demandons : « Jusqu’à quand, Seigneur ? Et combien de fois encore ? ».

Viens, Seigneur, et apporte le rétablissement à tout ton peuple. 

Rima Nasrallah

Photo d’illustration :

Forced Displacement of Gaza Strip Residents During the Gaza-Israel War 23-25.jpg

Crédit photographique : Jaber Jehad Badwan

Wikimedia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Forced_Displacement_of_Gaza_Strip_Residents_During_the_Gaza-Israel_War_23-25.jpg)