Depuis mercredi 25 novembre, des rebelles djihadistes de la région d’Idlib (Nord-Ouest de la Syrie) et d’autres groupes armés ont lancé une offensive qui a mené à la prise de la quasi totalité de la ville d’Alep le samedi 30 novembre, et qui se poursuit vers le sud, en direction de la ville de Hama (cf. l’article suivant sur le site de RFI : cliquez ici). Ce nouveau développement est lié aux stratégies complexes des différents pouvoirs de la région qui s’affrontent directement ou indirectement par groupes interposés sur différents théâtres d’opération, notamment en Syrie et au Liban…sans compter les liens avec la situation en Palestine (Gaza, Cisjordanie) et Israël.

Nous sommes en relation avec plusieurs pasteurs d’Alep : l’un d’entre eux s’est réfugié à Homs avec sa famille mais plusieurs autres sont restés sur place. Ces pasteurs font partie de l’Eglise du Synode Arabe (NESSL) ou de l’Union des Eglises Evangéliques Arméniennes au Proche-Orient (UEACNE), deux Eglises qui sont parmi les plus proches partenaires de l’ACO. Nous avons de nombreuses connaissances, amis, frères et soeurs en Christ, et projets dans cette ville qui fut le premier lieu d’engagement de l’ACO, dès 1922. Nous remercions toutes celles et ceux qui portent dans la prière cette situation qui une fois encore voient les civils faire les frais des calculs et manœuvres des « puissants » de ce monde.

Voici le message envoyé par le pasteur Joseph Kassab, secrétaire général du Synode Arabe (NESSL ; la principale église protestante en Syrie et au Liban), le samedi 30 novembre 2024 au soir :

Chers partenaires en Christ

La plupart d’entre vous suivent les nouvelles sur ce qui s’est passé à Alep, qui s’est maintenant étendu à Hama et plus encore. Je vous écris pour vous informer de ce qui s’est passé et continue de se passer.

Le lendemain de l’annonce du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, des affrontements ont éclaté en Syrie dans les soi-disant « zones de désescalade » qui séparaient l’armée syrienne, ainsi que ses alliés russes et iraniens, des milices islamistes stationnées à Idlib et soutenues par la Turquie. Le journal israélien Yedioth Ahronoth a écrit : « Il est presque certain qu’il existe un lien étroit entre l’attaque soudaine des miliciens en Syrie sur Alep et le cessez-le-feu au Liban. »

En moins de 48 heures, les milices sont entrées dans Alep et en ont pris le contrôle total sans résistance significative de la part de l’armée syrienne ou des forces aériennes russes. Cela a semblé très étrange, comme si cela faisait partie d’un plan préétabli. Aujourd’hui, ces milices ont atteint Hama et la campagne environnante.

Cette scène rappelle l’entrée des talibans dans Kaboul sans résistance notable des forces américaines ou de l’armée nationale afghane.

Des rumeurs circulent actuellement sur la présence à Moscou du président Bachar el-Assad, qui a quitté le pays il y a deux jours pour rencontrer le président Poutine. Des doutes circulent dans les médias sur son éventuel retour, mais ces informations ne sont pas confirmées, Moscou s’étant abstenu de tout commentaire sur ces rumeurs.

Les chrétiens d’Alep sont saisis par la peur face à ces développements. Certains sont partis rapidement, malgré les déclarations des milices les exhortant à rester et les assurant qu’il ne leur serait pas porté atteinte. D’autres ont choisi de rester pour diverses raisons, soit parce qu’ils ne veulent pas abandonner leurs maisons et leurs biens, soit parce qu’il n’y a pas encore eu de violence significative contre les civils. Cette description s’applique à notre église à Alep. Il en va de même à Hama, où nous avons deux églises, l’une dans la ville et l’autre à Mhardeh, une ville chrétienne près de Hama.

Si cette avancée militaire n’a pas encore fait de victimes civiles comme les années précédentes, il y a eu des provocations à l’encontre des minorités. Des images et des vidéos ont circulé montrant l’un des miliciens dans les quartiers chrétiens d’Alep en train de renverser un arbre de Noël, une contestation flagrante de notre foi et nos croyances.

Les analystes politiques interprètent la situation en Syrie et au Liban comme faisant partie d’un effort visant à affaiblir l’influence de l’Iran dans ces pays en utilisant les milices islamiques et l’opposition armée syrienne. Cependant, ces observateurs nient qu’Israël, les États-Unis et la Russie visent à affaiblir le gouvernement syrien au point qu’il s’effondre.

En tout cela, la présence chrétienne paie un lourd tribut, car de plus en plus de chrétiens envisagent de quitter le pays à la recherche de sécurité et d’un avenir pour leurs enfants.

À l’approche de la célébration de Noël, malgré notre angoisse, nous faisons confiance à la souveraineté de Dieu. Dieu qui transforme le deuil en danse et les cendres en beauté. Le Dieu de la justice et de la miséricorde. Le Dieu qui promet qu’un jour, les épées seront transformées en socs de charrue et que les nations ne lèveront plus les armes les unes contre les autres.

Nous vous demandons de prier pour la Syrie et le Liban. Puisse le Prince de la paix apaiser la tempête des conflits humains et faire briller sa lumière dans les coins les plus sombres de nos pays et du monde.

Joseph Kassab