Une année par comme les autres…
Le Caire, rentrée 2021
Chers lecteurs, chères lectrices,
Ce titre nous renvoie évidemment à l’ambiance « covidesque » que nous subissons depuis un an et demi, et qui a un grand impact sur la vie de nos communautés et les projets qui y sont liés. Mais si je réfléchis bien, aucune année au Caire et à Alexandrie ne se ressemble, depuis 2016. La pandémie a son lot d’effets négatifs, frustrants et inquiétants, mais la vie surgit toujours.
La vie communautaire du Caire & d’Alexandrie
La rentrée prometteuse de 2020/21 a pris très vite un coup suite à l’évolution inquiétante de la pandémie en décembre 2020 en Egypte. La Fédération Protestante d’Egypte a annulé les invitations au culte de Noël. Quant à l’EEC&EPA (Eglise Evangélique du Caire / Eglise Protestante d’Alexandrie), nous avons été obligés d’annuler le weekend que nous voulions vivre ensemble à Noël à Anafora, un centre d’accueil orthodoxe. Pendant cette période, nous avons essayé tant bien que mal de vivre en digital, mais le groupe de femmes, qui avait porté l’église par une activité impressionnante, notamment via l’application WhatsApp, a été fragilisé. Les situations professionnelles sont compliquées pour certaines. Par ailleurs, Berthe, conseillère et membre active du groupe de femmes, est retournée dans son pays d’origine.
Dr. Andrea Zaki, président de la Fédération Protestante d’Egypte et directeur du CEOSS, m’informe que la moitié des employés du CEOSS est tombée malade du covid 19, dont certains gravement. Une personne est décédée. En revanche, les chiffres officiels en Egypte ne sont pas élevés.
Le calendrier des étudiants de Senghor est bouleversé également. Ils quittent l’Egypte précipitamment pour des stages en février. Je reste en contact avec certains d’entre eux. L’accueil à l’église les a marqués.
Mais la communauté d’Alexandrie ne se résume plus seulement à l’aumônerie des étudiants de Senghor. Une jeune femme d’origine malgache, venant du Liban, découvre l’église. Puis viennent deux étudiants tchadiens de la faculté de médecine et un couple de médecins. C’est encourageant.
« Plus aucune activité à l’église pasteur, c’est grave… »
Je suis avec Eric, président du CP et nous nous inquiétons. Difficile de construire une communauté dans ces conditions. Fin mars nous redémarrerons avec des cultes en présentiel. Après un merveilleux culte des Rameaux, la Semaine Sainte s’organise en distanciel. Lors du culte de Pâques, nous célébrons une confirmation et baptisons un enfant. Quelle joie !
Afin de redynamiser la vie communautaire, nous optons pour l’organisation de retraites à Anafora. Pour des raisons sanitaires, l’accueil est limité à 15 personnes. Cet endroit nous permet d’avoir un temps de réflexion, de recueillement et de détente, dans un cadre qui respire la nature et l’architecture spirituelle orientale. Un week-end a lieu en mai, puis un deuxième en juin. Thème : « les sacrements » en vue de la confirmation de Thibaud fin juin.
L’AG ordinaire de l’EEC&EPA s’est tenue le 15 mai 2021. Ce fut un grand moment avec l’élection d’un nouveau CP.
En dehors la vie d’église proprement dite
Le nouveau CP a rapidement pris connaissance des dossiers en cours. En effet, on ne manque pas de chantiers, au sens propre comme au sens figuré, dans notre église.
1) Le plâtrage du plafond de la salle à manger du presbytère était tombé, suite à des infiltrations d’eau. Les travaux poussiéreux ont duré 10 jours.
2) Le toit du temple d’Alexandrie a été réparé.
3) Toujours à Alexandrie, une première tranche de travaux a été réalisée à la Maison de l’Espérance (toit terrasse et réseau électrique du studio sous le toit). Cette maison accueille des femmes atteintes de handicaps. Nous avons marqué la fin des travaux par une fête sur le toit fin juin avec les résidentes, l’équipe de la maison, des ami.e.s et quelques membres du CP.
A chaque chantier sont liés des chantiers administratifs et des projets concernant l’avenir des lieux.
Ad 1) Il n’est pas sûr que l’église puisse profiter du presbytère encore longtemps. Le propriétaire tente de récupérer l’appartement. Depuis le début de l’année nous travaillons étroitement avec l’avocat de l’église. Selon lui, il faudrait retrouver le bail, afin d’avancer dans la question. Mais le bail a mystérieusement disparu, ainsi que toutes les copies. A voir…
Ad 2) Que le toit soit réparé ne veut pas dire que le temple soit en bon état. Bien au contraire. Il va falloir continuer la réflexion sur l’avenir de ce lieu. Aujourd’hui, ce temple accueille principalement la communauté soudanaise, sans qu’il n’existe de convention. Les étudiants de Senghor s’y réunissent les vendredis. Dernièrement, le CP, qui voulait se réunir au temple, n’a pas trouvé de lieu suffisamment calme pour délibérer. Un véritable projet doit émerger. Nous avons tissé de bonnes relations dans le milieu ecclésial et culturel à Alexandrie. La pandémie a freiné cette réflexion. A voir la suite dans l’année qui s’ouvre. Là aussi il va falloir travailler avec l’avocat, notamment par rapport aux locaux attenants à l’église, qui ont été loués à des particuliers dans le temps. Ils en ont fait des garages, des magasins et des dépôts. Les questions juridiques sont compliquées.
Ad 3) Dans la Maison de l’Espérance le flou juridique est grand également. L’acte de propriété a disparu. L’avocat pense pourtant que la question de la propriété peut être résolue bientôt.
Nous sommes en train d’imaginer un cadre juridique qui règlera la relation entre l’association qui œuvre au sein de la Maison et notre église. La responsable du projet dans la Maison de l’Espérance se montre coopérative.
“Purpose of life is life with purpose”
Il s’avère que le « projet soudanais » se traduit de facto par une intervention de crise en permanence. La pandémie a encore aggravé la situation économique de cette communauté protestante composée de réfugiés. Parmi les étudiants soudanais, une série de suicides a révélé la dépression profonde qui a atteint certains d’entre eux. Le pasteur soudanais, Samuel Majak, est bouleversé : « nous n’avons jamais vu de suicide dans notre communauté ». Nous prions ensemble. Puis il me parle des étudiants soudanais qui ne sont pas arabophones. Ayant grandi en Afrique de l’est dans des camps de réfugiés pour certains, ils ont oublié leur langue maternelle.
« Purpose of life is life with purpose » figure sur le profile du groupe WhatsApp des étudiants soudanais. Ils sont 70 inscrits. Nous cocélébrons un culte à Alexandrie dans lequel Samuel Majak me demande de prêcher. Parallèlement, un temps de prière est organisé au Caire, afin d’être en communion les uns avec les autres.
Envoyées
Nous sommes heureux d’avoir pu accueillir Brigitte au mois de mai pour un mois parmi nous. Enseignante de musique ayant récemment pris sa retraite, elle reviendra en octobre, à nouveau pour œuvrer dans le foyer d’accueil de jeunes filles au Caire. Accueillir Brigitte c’était comme voir le bout du tunnel, après une période sans envoyé.e.s. Fin août, Lise est également arrivée. Elle est affectée au NRC (New Ramses College), cet établissement protestant où elle va contribuer à l’apprentissage du français.
Merci pour l’intérêt que vous continuez à porter à l’EEC & l’EPA.
Michael Schlick, pasteur.
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La communauté frappée par le drame de la disparation de « Maman Angèle », survenu le 15 septembre. Témoignage.
« C’est Angèle Pasteur. »
Je viens de décrocher pour la toute première fois le téléphone fixe du presbytère au Caire en août 2016.
« C’est juste pour vous dire bonjour et vous souhaiter la bienvenue parmi nous. » Et puis : « Je suis là Pasteur, bonne installation, au revoir Pasteur »
Quel accueil…en toute simplicité…mais quel accueil. C’est du solide, ce n’est pas du superficiel. Il va s’avérer que mon impression n’était pas fausse.
Car Angèle n’était pas superficielle. Elle était profonde.
Elle était toujours là, quand il fallait être là, fidèle à elle-même et fidèle à ce en quoi elle croyait.
« Votre mère rayonnait l’amour et la vie autour d’elle », je dis à Emmanuelle, une de ses filles. L’amour qu’elle rayonnait a laissé des traces. La preuve, ils sont tous venus au culte en son hommage, collègues, compatriotes, amis, et ses frères et sœurs en Christ.
Ils avaient aussi essayé de la soutenir, chacun et chacune à sa manière. Par une visite, une prière, un don…
Angèle était une femme remplie d’amour et capable de le distribuer, que dis-je, de le répandre comme un parfum autour d’elle.
Pourtant, elle aurait pu avoir toutes les raisons pour devenir aigrie et amère, toutes les raisons pour détester la vie, les hommes et Dieu.
Tellement sa vie était remplie de difficultés, de drames, de déceptions, et de séparations.
Angèle, membre du Conseil de la paroisse, décédée le 15 septembre 2021 à l’âge de 48 ans, va nous manquer.